Le GIEC est devenu une institution centrale dans le débat sur l’avenir du climat et dans les politiques de réduction du réchauffement. Mais comment ce groupe s’est-il constitué ? Comment est-il organisé ? D’où lui vient son influence 

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a fêté ses trente ans en 2018. L’organisation, créée en 1988 sous les auspices de l’Organisation mondiale de la météorologie (OMM) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), est une des instances d’évaluation globale de l’environnement les plus anciennes et les plus institutionnalisées. Le GIEC a publié cinq rapports (en 1990, 1995, 2001, 2007 et 2014) et de nombreux rapports spéciaux, dont le rapport « Réchauffement à 1.5°C » publié en octobre 2018, qui a contribué à populariser la notion d’ « état d’urgence climatique ». En 2007, il s’est vu décerner le prix Nobel de la paix, conjointement à l’ancien vice-président américain Al Gore pour « leurs efforts de collecte et de diffusion des connaissances sur les changements climatiques provoqués par l’homme et pour avoir posé les fondements pour les mesures nécessaires à la lutte contre ces changements ». Le GIEC est souvent présenté comme un modèle d’expertise internationale, qui, dans d’autres contextes, permettrait d’accroître la visibilité des problèmes environnementaux. Ainsi la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui a vu le jour en 2012, s’inspirait en partie du GIEC.

De nombreuses controverses ont pourtant pavé l’histoire du GIEC et l’autorité dont l’organisation jouit aujourd’hui est le résultat d’un travail d’adaptation sans précédent. Son autorité est encore souvent remise en question, car si le GIEC bénéficie du soutien inconditionnel des ONG environnementales et de nombreux mouvements sociaux, ses conclusions ne font pas l’unanimité et sont encore contestées par plusieurs dirigeants, dont Donald J. Trump aux États-Unis, et Jair Bolsonaro au Brésil. Dans cet essai, je reviens sur la construction de l’autorité du GIEC comme processus de négociation entre les différents acteurs qui font l’organisation (scientifiques, diplomates, bureaucrates, etc.). Après une brève présentation de l’organisation et de sa gouvernance, je présente quatre enjeux qui caractérisent ses pratiques à l’interface entre science et diplomatie. Ces enjeux montrent que l’autorité du GIEC n’est pas seulement épistémique (car perçu comme crédible), mais également politique (car perçu comme légitime).