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De la COP 29 à la COP 30, interview de Lola Vallejo

Mar 8, 2025

Lola Vallejo, pouvez-vous nous dire en quelques mots quelle est votre rôle à la fondation Européenne pour le climat ?

Je suis Directrice diplomatie et partenariat dans cette fondation philanthropique. Notre rôle principal est de financer des institutions, des think tanks, et des réseaux de partenaires et d’organiser des dialogues de haut niveau sur des thèmes clés dans la discussion internationale relative aux enjeux climatiques.

Pour aller plus loin

Vous étiez présente à la COP 29 en Azerbaïdjan en novembre dernier, pouvez-vous nous dire quels étaient les enjeux majeurs ?

Le rôle des COP est de faire progresser les négociations climatiques sur différents piliers que sont l’atténuation, l’adaptation et la finance climat. Ce dernier aspect était clairement le point d’orgue de la COP 29 avec la négociation d’un nouvel objectif quantifié de finance climat. Pour rappel, la COP 15 en 2009 avait abouti à l’objectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 et jusque 2025. D’après les dernières analyses de l’OCDE, cet objectif aurait été atteint en 2022, soit deux ans après la date-butoir. Malgré des années de travail technique, le chiffrage du nouvel objectif est apparu très tardivement dans la COP 29, car il fallait se mettre d’accord aussi sur ce qu’il y avait derrière ce chiffre. Est-ce que les pays du Golfe, Singapour ou la Chine y contribuent ? Quelle place pour les financements privés, ou de nouvelles sources en plus des financements publics ‘classiques’? Finalement, les négociations ont entériné à la fois un objectif de triplement des financements publics et privés pour atteindre 300 milliards de dollars par an en 2035, et de poursuivre des efforts pour mobiliser 1300 milliards par an. A la COP30 au Brésil, les pays devront adopter une feuille de route étayée pour crédibiliser cette aspiration de 1300 milliards par an- et lancer un processus politique d’ampleur pour combler l’écart. Cela pourrait conduire à envisager de nouvelles sources comme les prélèvements sur les crédits carbone ou les taxes sur les activités très carbonées comme l’aviation ou l’extraction fossile. Mais rien n’est écrit.
Le texte fait aussi reposer ces efforts principalement sur les pays développés, sans être explicite sur une intégration accrue de nouveaux pays bailleurs. Ces montants pharamineux n’ont pas non plus de sous-objectifs thématiques, comme l’adaptation, ou en termes de récipiendaires prioritaires, comme les pays les moins avancés.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le fonctionnement des fonds climat ?

La finance climat est principalement déboursée via deux types de banques dédiées au développement humain et à l’éradication de la pauvreté. Ces banques peuvent être dites « multilatérales », comme la Banque Mondiale, ou des banques régionales de développement, ou bien « bilatérales », lorsqu’elles sont sous le contrôle d’un seul pays bailleur. Mais, il existe aussi des fonds rattachés à l’ONU Climat, comme le Fond Vert pour le Climat crée en 2009, dont la gouvernance laisse part égale entre bailleurs et récipiendaires. Ce fond est très important symboliquement même s’il n’est pas le plus important en volume. Ensuite, il faut regarder où va l’argent. Au global, la majorité des financements en volume est captée par des pays avec un niveau de revenu intermédiaire, majoritairement sous forme de prêts bonifiés. Les pays à plus faible revenu peuvent recevoir autant de dons que de prêts, car leurs capacités de remboursement sont moindres, et qu’on y finance davantage l’adaptation au changement climatique.

Est-ce que la focale sur la finance climat a éclipsé les négociations sur l’atténuation qui sont attendues cette année, 10 ans après l’accord de Paris ?

Clairement ! La COP 28 a réalisé un bilan mondial qui a consisté à regarder où on en est quant à nos objectifs de long terme, et se donner des mots d’ordre collectifs pour combler l’écart, notamment vis-à-vis de la transition énergétique. Les acquis forts qui en ont découlé comme tripler la capacité installée de renouvelables, doubler le rythme l’efficacité énergétique et hâter la transition vers l’abandon des combustibles fossiles d’ici à 2030 ont été les grands absents à la COP 29. La question financière était prioritaire et un portage politique plus important aurait été nécessaire pour les maintenir à l’agenda, mais beaucoup de pays n’y avaient pas intérêt.

Qu’attendre dans cette configuration de la COP 30 ?

La principale attente de cette COP30, sous la présidence du Secrétaire d’Etat André Correia do Lago est de récolter une nouvelle moisson de Contributions Déterminées au niveau National, ou CDNs, détaillant les engagements des pays jusqu’à 2035. Les engagements actuels, courant jusqu’à 2030, pâtissent de deux écarts: un écart d’ambition et un écart de mise en œuvre. En d’autres termes, les engagements à moyen-terme ne sont souvent pas cohérents avec les objectifs de neutralité carbone pris par ailleurs par les pays. De plus, les politiques sectorielles actuelles en place au niveau national sont insuffisantes pour atteindre ces engagements de moyen-terme. La COP 30 va devoir combler ces écarts et veiller à ce que la mise en œuvre sectorielle des objectifs reflète les signaux envoyés par le bilan mondial sur ce que devrait être l’action collective. Tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne et une poignée d’entre eux, les pays du G20, ont une responsabilité particulière quant à leur CDN. Un point très préoccupant reste que lors de la COP 29 il y a eu une invisibilisation du sujet des énergies fossiles. Presque aucun pays ne s’est avancé sur ces contributions à venir. C’est de mauvais augure pour le contenu des CDNs à venir. Cela d’autant que l’administration américaine, premier pollueur historique, a annoncé à nouveau sortir de l’Accord de Paris, et détricote à vitesse grand V toutes ses réglementations environnementales. Le Brésil, en tant que pays hôte de la COP30, mais aussi l’Union Européenne et la Chine ont un rôle majeur à jouer pour stabiliser le multilatéralisme climatique.

Lola Vallejo, quel serait votre mot de la fin ?

C’est normal d’être parfois découragé car il reste encore tellement à faire. Mais il ne faut pas perdre de vue que les engagements pris depuis 2015 nous on fait éviter 1°C de réchauffement, et que la transition énergétique s’est accélérée depuis quelques années, notamment du fait de l’émergence de la Chine comme géant des technologies propres. Je citerai une phrase bouleversante de Bill Mac Kibben, journaliste et militant écologique américain, qui dit qu’en matière climatique gagner lentement c’est la même chose que perdre… Puisse cette maxime nous pousser à agir collectivement avec l’urgence nécessaire !