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La réduction des émissions d’aérosols en Asie orientale est un facteur clé de l’accélération récente du réchauffement global

Depuis une quinzaine d’années, le réchauffement global s'est accéléré par rapport au demi-siècle précédent, ce qui a coïncidé avec la réduction des émissions d’aérosols et de leurs précurseurs en Asie orientale, engagée pour diminuer la pollution atmosphérique de cette région
Pour aller plus loin
Samset, B.H., Wilcox, L.J., Allen, R.J. et al. (dont P. Nabat), East Asian aerosol cleanup has likely contributed to the recent acceleration in global warming. Commun Earth Environ 6, 543, https://doi.org/10.1038/s43247-025-02527-3 , 2025.
Les aérosols influencent fortement le climat et le bilan énergétique de la Terre
Principalement par leurs interactions avec les nuages, mais aussi par leurs effets directs qui empêchent le rayonnement solaire d’atteindre la surface. Les aérosols ont ainsi masqué partiellement le réchauffement dû aux gaz à effet de serre depuis le début de l’ère industrielle, refroidissant la surface de la Terre de 0.4°C. Depuis 1980, la Chine et l’Inde ont remplacé les États-Unis et l’Europe en tant que principaux émetteurs, et plus récemment depuis le début des années 2010, la Chine a déployé des efforts considérables pour réduire la pollution atmosphérique, ce qui a entraîné une diminution importante des émissions de SO2 (jusqu’à 75%), le gaz précurseur des aérosols sulfatés, l’espèce d’aérosol dominante qui refroidit actuellement la Terre.
En parallèle, le taux moyen de réchauffement de la surface du globe, globalement constant à environ 0.18 °C/décennie depuis 1970, a récemment augmenté pour atteindre 0.25 °C/décennie sur la période 2013-2022. Jusqu’à maintenant, aucune étude n’avait pu établir formellement de lien entre ces deux phénomènes, notamment à cause d’une mauvaise représentation de l’évolution récente des concentrations d’aérosols anthropiques en Asie orientale dans les simulations climatiques CMIP6 (Coupled Model Intercomparion Project, phase 6), utilisées pour le dernier rapport du GIEC.
Les auteurs de cette étude abordent cette question en utilisant un nouvel ensemble spécifique de simulations climatiques globales issues du projet d’intercomparaison de simulations régionales tenant compte des aérosols (Regional Aerosol Model Intercomparison Project, RAMIP), réalisées avec huit modèles de Système Terre dont le modèle CNRM-ESM2 développé au CNRM, dans lesquels les émissions d’aérosols anthropiques sont perturbées individuellement dans chaque région source. La diminution des concentrations d’aérosols anthropiques obtenue en Chine dans les simulations perturbées par rapport aux simulations de référence (période 2035-2049) est cohérente avec la diminution observée par satellite entre les périodes 2014-2023 et 2005-2014, permettant ainsi d’utiliser ces simulations pour estimer l’effet de cette diminution sur l’évolution de la température globale.
Les résultats montrent alors un réchauffement supplémentaire de 0.07 ± 0.05 °C entre 2010 et 2023 dû à la réduction des émissions d’aérosols anthropiques, soit un taux de réchauffement supplémentaire de 0.05 ± 0.04 °C/décennie. En supposant qu’il n’y ait pas pour le moment de changement dans le taux de réchauffement global induit par les gaz à effet de serre (0.18°C/décennie depuis 1980), cela suggère un taux de réchauffement combiné après 2010 de 0.18 + 0.05 = 0.23 °C/décennie, approchant les 0.25 °C/décennie observés, et permettant d’affirmer que la réduction des émissions d’aérosols anthropiques en Asie orientale serait le principal moteur de l’accélération du réchauffement global depuis 2010.
À l’avenir, ces émissions d’aérosols anthropiques en Asie orientale devraient continuer à diminuer mais de manière moins forte, réduisant ainsi probablement leur rôle dans le réchauffement global. Ce résultat ne signifie pas qu’il soit souhaitable de limiter les politiques de réduction de pollution atmosphérique au motif de leur effet climatique. Cette étude met en lumière des effets sanitaires antagonistes des aérosols (pollution atmosphérique vs. réchauffement) qu’il convient de bien appréhender et comprendre. D’autres facteurs, comme l’augmentation des émissions de méthane et la réduction post-2020 des émissions de SO2 par le transport maritime, devront également être étudiés pour continuer à mieux comprendre les raisons de cette accélération récente du réchauffement global.

